¤FB: Peu d'amis, et pourtant...

Il pleuvait aujourd’hui… Un lourd et épais manteau gris voilait complètement l’horizon et le rendait terne tandis que le martellement de l’eau battant le pavé et coulant le long des gouttières ressemblait de plus en plus à une véritable tempête maritime. Le vent ne ménageait pas non plus sa force et mugissait avec violence, faisant grincer et craquer sinistrement les baraquements de bois miteux de la région et agitant furieusement le feuillage des arbres. Personne d’assez fou pour avoir osé mettre le nez dehors avec un temps pareil. Dans les rues de ce minuscule village de fortune, seules quelques poches en plastique virevoltaient de-ci, de-là, portées au hasard et avec incohérence par les tourbillons du vent. Mais bientôt, se profilant au bout de l’unique rue du patelin, une silhouette longiligne s’avançait à pas lent comme si elle ne se sentait pas gêner par le pluie crépitante et la puissance de l’orage grondant dans le ciel recouvert d’imposants nuages noirs. A regarder de plus près, la silhouette n’était autre que celle d’un jeune garçon emmitouflé dans une cape rouge complètement trempée et dont les cheveux blonds mouillés collaient à son visage fin et ruisselaient dans son cou. Ses yeux, qui semblait fixer un point invisible des autres droit devant lui, exprimaient une sérénité profonde. Du moins jusqu’à ce qu’il ne lève la tête vers le ciel et ne discerne au travers l’épaisse brume grise, le pâle reflet d’un soleil bien terne dont la lumière ne réussissait même plus à atteindre le sol. Vu comme cela… on aurait presque dit la Lune, les nuits où elle était pleine et répandait sa lueurs argentée. La pleine Lune… La vision erronée de cet astre devant lui, réveilla un soudain sentiment de regret au fond du cœur du jeune homme qui leva alors le bras pour se masser les tempes d’une main. Shine, l’homme loup-garou… Lorsqu’il rouvrit les yeux, ceux-ci exprimés toujours la tranquillité mais aussi un brin de lassitude ou de tristesse.

Shine… Qu’était-il devenu depuis tout ce temps ? Hyouri ne l’avait plus revu depuis la dernière fois dans la forêt, où ils s’étaient promis un prochain combat par le futur, dans lequel l’un des deux jeunes gens aurait du y laisser la vie pour le respect de l’autre. Shine… Celui dont le passé solitaire et rejeté de tous, à cause d’une chose qu’il n’avait jamais voulu porter en lui, ressemblait tant à celui du shinobi de Kiri. Pourtant, ils étaient tellement différents tous les deux… Shine croyait en l’espoir alors que Hyouri ne savait même plus ce que cela voulait dire. Tellement différents et pourtant tellement proches. Est-ce pour cela qu’ils étaient finalement devenus… amis ? Non… Il avait aimé parler avec lui, il avait aimé être tout simplement à ses côtés, écoutant les mélodies agréables du chant de sa guitare qu’il ne quittait jamais et transportait partout avec lui pour apporter un peu de musique à tous les hommes de la Terre qu’il aurait l’occasion de croiser. Un vrai hippie ce mec… Pas du tout le genre de type dans lequel Hyouri trouvait un quelconque intérêt. Et pourtant… Même s’ils ne se l’étaient jamais dit avec des mots, au fond d’eux ils le savaient très bien tout les deux : ils étaient devenus amis. Même si le loup-garou vivant en lui, Shine avait essayé de le bouffer une nuit de pleine Lune où les deux jeunes n’avaient pas vu l’heure tourner, San' ne lui en avait jamais voulu et avait même trouvé cela plutôt marrant. Mais ensuite… il avait disparut. Plus de Shine. Les volets de sa maison à Kiri étaient restés clos, personne ne l’avait revu ou ne savait où il était allé depuis qu’il était partit pour une mission dans le nord du pays. Etait-il mort ou avait-il tout simplement été happé par l’incroyable désir de l’aventure ? Le jeune homme n’en savait rien. Lorsqu’il avait appris sa disparition de la bouche d’un juunin travaillant au quartier des ordres de mission, il n’avait pas cillé et s’était contenté de lancer un « Et alors ? » d’une façon des plus désinvolte avant de se retirer sans se retourner. Il n’avait rien ressentit. Ni colère, ni tristesse, ni inquiétude… rien. Car il avait eu peur de penser et de réagir face à cette nouvelle. Il avait préféré faire comme si de rien n’était, fermer son esprit pour ne pas avoir à se confronter à lui-même. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’il l’avait poussé à partir soudainement sur ses traces alors qu’il n’avait pas eu la courage de le faire il y a de ça plus d’un an maintenant ? Il n’en savait trop rien. Peut-être car il avait entendu par hasard, un jour où il déambulait en ville, un homme parler d’une de « ces étrange bête poilue et immonde de la nuit » qu’avait réussi à attraper un braconnier, célèbre pour sa cruauté et son manque de scrupules. Immonde bête de la nuit poilue… Cette expression avait fait tilt dans la tête de Hyouri qui avait immédiatement songé à Shine. A sa connaissance, il était le seul de son clan de loup-garou encore vivant. Quoi que maintenant… A cette pensée, les doigts du jeune shinobi se resserrèrent jusqu’à prendre la forme d’un poing. Ses ongles même, sous la pression, se plantèrent dans la chair de ses mains avant qu’un mince filet de sang chaud ne coule le long de ses poignet. Ce connard de merde d’Ojiikaku ! S’il avait réellement touché à sa proie et tué Shine à sa place, il le dépecerait sur place. Rouvrant brusquement les yeux, Hyouri posa un regard de braise, les sourcils froncés, sur la seule porte du patelin qui diffusait la lumière jaunâtre de plusieurs lampes à l’huile au travers ses carreaux de verre. La Taverne… L’endroit où se retrouvait les plus sournois des chasseurs de primes, braconniers et toute autre même sorte de ce genre de racailles.

Après une dernière bouffé d’air frais inspirée à fond, Hyouri s’avança vers la porte et poussa les deux battants de bois avec détermination, pénétrant alors dans un véritable hammam de fumée malodorante et piquante au yeux à travers laquelle il n’était pas possible de voir à plus d’une dizaine de centimètres. Il avait bien fait de respirer de l’air frais avant de rentrer car apparemment, le terme aération n’était pas connu dans le registre du gérant… Tout en essayant de ne pas penser à la puanteur qu’il dégagerait lui et ses vêtements après avoir passé plus d’une minute ici, Hyouri se fraya un chemin entre les tables rondes encombrées pour la plupart d’ivrognes affalés le nez dans leur pinte jusqu’à atteindre le comptoir, où il attendit patiemment que le barman s’approche de lui.

« C'est pourquoi ? »

« Une info. Ojiikaku, le braconnier du nord, il paraît qu’il a ramené une prise intéressante il y a quelques temps déjà. J’aimerais en savoir plus. »

« Pourquoi ne pas aller lui demander par toi même gamin ? Il est juste là. Par contre un conseil… ne le cherche pas de trop près si tu ne veux pas y laisser des plumes. »

Le barman avait tendu son doigt vers une des tables coincée dans un coin de la taverne où ripaillée une bande d’hommes tous plus massifs les uns que les autres et arborant de grosses cicatrices et divers tatouages. Pour lui souffler sa mise en garde, l’homme s’était penché en avant et s’était assuré que personne ne l’entende proférer de telles paroles. Toutefois, Hyouri se contenta de lui décocher un petit sourire amusé et lui fit un petit signe de la main tout en s’éloignant, lui faisant comprendre qu’il n’y avait franchement pas de quoi s’inquiéter pour lui. Ojiikaku... Même sans savoir à quoi il ressemblait, Hyouri pouvait déjà le reconnaître au milieu de sa bande d'acolytes. Le plus costaud, celui avec le plus de cicatrices mais surtout, celui qui parlait le plus fort et se la pétait le plus en racontant bien haut ses divers exploits. Connard, connard... C'est le seul mot répété en boucle et grondant de plus en plus qui résonnait dans la tête du genin. S'il avait vraiment tué Shine... S'il l'avait tué...
BLAM !!
Le coup était partit tout seul, entraîné par la colère qui ne cessait de grimper à une vitesse folle en Hyouri qui venait d'envoyer valser la table ronde à l'autre bout de la pièce d'un coup de pied violent, abattant alors aussi facilement qu'un jeu de carte le silence sur les lieux. Tous le regardaient, les yeux légèrement exorbités devant l'inconscience de ce gamin qui ne prenait absolument aucune pincette dans un endroit où il aurait mieux valut ne prendre mille. La réplique ne se fit tout de même pas attendre et l'homme dont San' soupçonnait d'être le fameux Ojiikaku, se redressa après avoir essuyé d'un geste lent mais trahissant une curiosité difficilement contrôlée. Il était vraiment grand ce type et faisait bien trois têtes de plus que le jeune homme autant de haut que de large.

« T'es qui toi encore l'merdeux ? Tu veux mourir rapidement c'est ça ? »

« Hey, hey Ojiikaku ! Ce gamin ! Mais que veut-il ? »

Hyouri haussa un sourcil et oublia un moment sa colère lorsqu'un petit homme tout chétif sauta par dessus sa chaise renversée et apporta à toute hâte un morceaux de parchemin qu'il tandis à Ojiikaku, puisque c'était bien lui. Les yeux de ce dernier se baladèrent rapidement le long de l'écriture jusqu'à finalement se stopper nette sur une ligne bien particulière. Un sourire mauvais s'étala alors le long de ses lèvres, découvrant une dentition rongée par les dents cariés et jaunie par le cigare à laquelle il manquait même quelque éléments, sûrement arrachés lors de combats.

« Héhé, c'est gentil de venir jusqu'à moi, mignon petit aspirant. Voilà qui est fort intéressant... Je veux bien jouer avec toi un instant alors. »

En possédant ces quelques bribes d'informations, il ne savait absolument rien sur son compte. Tout d'abords, il n'était plus aspirant depuis un petit bout de temps. Ensuite, même s'il connaissait son nom, il ne connaissait rien à sa manière de se battre, ce qui était le plus important. Vu le personnage, Hyouri était tout de même sûr qu'Ojiikaku allait le sous-estimer et foncer comme un bourrin sans réfléchir. Déjà, il commençait à s'avancer de lui sans emmètre la moindre énergie agressive et se contentant de faire craquer les jointures de ses doigts. Tant pis pour lui, cela n'en serait finit que d'autant plus rapidement. Non... il n'allait pas mourir rapidement. Il devait souffrir, souffrir comme il n'avait jamais souffert. Il allait mourir lentement en l'échange du retour de l'honneur de celui qui n'avait jamais mérité de mourir...

« ...Shine... »

« Nié ? Qu'est-ce tu baves l'marmot ? »

« Le loup-garou Shine. C'est vrai que c'est toi qui l'a tué ? »

« Bwahaha ! Pour sûr ! Un minable avorton possédant une force sublime dont il n'a même pas voulu se servir pour se défendre ! Pourquoi c'était une de tes connaissance ? Tu aurais du le voir baigner dans son sang et continuer à s'acharner à se retenir ! C'était pathétique ! Il ne cessé de répéter qu'il ne voulait plus jamais faire de mal aux gens et que "peu importe mon destin et l'approche de ma mort, je ne lui cèderais jamais ma place ". »

La voix geignarde et intentionnellement moqueuse qu'avait pris Ojiikaku, pour imiter celle de Shine agonisant, finit de faire sortir de ses gonds Hyouri qui en était venu à être complètement aveuglé et sourd de colère. Alors, sans prévenir, un vent violent fit des ravages littéralement à l'extérieur, manquant de peu la taverne, faisant voler en éclats tout un pan de mur et plus de la moitié du reste du bâtiment. Dans la confusion qui s'en suivit, nombre d'ivrognes partirent en courant du mieux qu'ils pouvaient tout en titubant, les cris de certains dont les membres étaient pris sous de lourdes poutres ne s'entendaient quasiment pas tellement le vent avait redoublé d'intensité et grondait plus furieusement que jamais. Mais la réponse à une telle énigme vint lorsque les hommes de main d'Ojiikaku rapportèrent leur attention sur cet impétueux ninja de Kiri qui avait osé les déranger. Quelle ne fut pas leur stupeur lorsqu'ils virent le corps du jeune homme entouré d'air, son regard marron dansant furieusement au fond de ses yeux strillés de noirs, une aura de haine et de destruction incroyable émanant de lui. Shine... L'idiot. Pourquoi n'avait-il pas voulu se battre ? Pour ne plus jamais avoir à blesser personne, comme il l'avait toujours souhaité ? Quel crétin ! A cause de sa bêtise il était mort comme un déchet et maintenant, lui, il se retrouvait là, tout seul, n'ayant une nouvelle fois rien pu faire pour empêcher ceux qu'y lui étaient chers de mourir... En ce moment plus que tout autre, Hyouri sentait ce cruel sentiment d'injustice et de peine l'envahir. Il avait encore fait une erreur. Il s'était pourtant juré de ne plus jamais, au grand jamais rien ressentir pour personne et voilà qu'aujourd'hui il perdait encore quelqu'un. " Tu ne portes aucun espoir en toi, tu entraînera tout ceux que tu aimes à ta suite, dans les ténèbres."... C'étaient les dernières paroles qu'avaient prononcées le chef de son clan avant de mourir. Quelque chose enserra alors avec force la poitrine du nuke-nin, lui coupant net la respiration et tout aussitôt, il sentit jaillir de son dos, en lui transperçant la peau, de longs pics formé de vent quasiment invisible qui se ruèrent sur les quelques personnes encore présentes, leur criblant les membres ou, pour ceux qui avait eu le moins de chance, les organes vitaux. La Haine, la Peur... Oui, c'était Elle qui venait de s'éveiller sous la colère de Hyouri et prenait maintenant un savoureux plaisir à formé un vent violent dans la taverne. Par la force du vent le braconnier vint jusqu'à Hyouri, comme un présent. Le braconnier avait beau se débattre et y mettre toute sa force, à peine un oiseaux de vent le percutait et commençait à disparaitre que d'autres prenaient le relais le temps que les premiers ne disparaisse.

« Petit con ! Qu'est-ce que tu fais ! ARRRGH !! »

A peine avait-il commencé à ouvrir la bouche qu'une tige d'air avait fendue l'air et était venue sectionner tous les doigts de sa main droite qui retombèrent en un petit tas informe, mélanger à son sang, à ses pieds tandis que l'homme laissait échapper un hurlement de douleur. Une mort... lente... douloureuse... la punition... lente... douloureuse... Au fur et à mesure que Hyouri pensait cela et fixait de son regard glacial, dénué de tous sentiments, le visage croissant de terreur du braconnier, son onde noir continuait leur danse mortelle et cisaillée de toute part le corps de l'homme, lui tranchant parfois un membre ou transperçant son corps à des endroits sensibles sans pour autant l'achever d'un coup. La torture à l'état pure, vécue sous le regard insensible du bourreau orchestrant la sentence. C'est seulement au bout de plusieurs dizaine de minutes que la masse informe et ensanglanté d'Ojiikaku finie par s'affaler sur le sol, baignant dans une gigantesque flaque de sang encore frais. C'est seulement au vibrement sourd du parquet sous le poid du corps, que les oiseux de vent se calmèrent et retournèrent docilement s'enfoncer dans le dos de Hyouri qui n'esquissa même pas un rictus de douleur avant de se détourner sans un regard en arrière. C'est seulement lorsqu'il fut déjà au milieu de la rue qu'il se retourna un instant tandis qu'un dernier vent violant tombait avec fracas sur la bicoque déjà salement amoché, y mettant le bazars...

« Adieu Shine... mon ancien ami. »